Passion et horlogerie indépendante
- Quentin Calandry
- 13 avr.
- 6 min de lecture
Dans cette division horlogère de La Passion, il m'était impossible de ne pas aborder l’univers de l’horlogerie indépendante. Si des noms comme Rolex, Cartier, Audemars Piguet ou Patek Philippe règnent en maîtres sur l’imaginaire collectif, ils ne sont pourtant pas les seuls à faire rêver les passionnés et les collectionneurs. Beaucoup d'entre nous, cultivent le rêve, de posséder un jour une pièce signée F.P. Journe ou Laurent Ferrier.
Car si au fond, le produit reste une montre, l’approche, elle, est complètement différente. Découvrir une marque indépendante, c’est souvent vivre une expérience intime avec la marque, on entre dans un showroom, on passe une pièce à son poignet pour la première fois, et soudain, on plonge dans un univers unique, façonné par une interprétation personnelle de l'horlogerie voire du luxe, par la marque ou le créateur. La démarche est parfois similaire auprès des "micro-marques".
Romain Gauthier HM Or Blanc 18k - @Hodinkee Laurent Ferrier Gallet Square - @Le Point
Je me souviens encore de ma première F.P. Journe essayée à Munich, de ma découverte d’une Laurent Ferrier à Genève, ou de mon émerveillement en entrant pour la première fois dans la MAD Gallery. Oui, le plaisir d’entrer chez un détaillant Rolex ou Audemars Piguet est réel, mais il n’a rien à voir avec celui de découvrir une pièce presque introuvable, parfois unique, porteuse d’une histoire personnelle, du créateur ou du client.
Une montre d'horloger indépendant, quelles différences avec une pièce plus "classique"?
L’un des aspects les plus fascinants de l’horlogerie indépendante, c’est justement sa liberté. Contrairement aux grandes maisons qui doivent produire des milliers de pièces chaque année pour répondre à la demande mondiale, ces entreprises, souvent artisanales, se contentent de quelques centaines, parfois même quelques dizaines de montres par an.
Cette faible production leur permet de faire des choix , de prendre des partis pris esthétiques forts, sans compromis. Boîtiers aux formes inattendues, cadrans asymétriques, textures originales, matériaux peu conventionnels... Chaque pièce est pensée comme une œuvre singulière, à contre-courant des standards industriels.

C’est aussi sur la partie mouvement que la création prend forme. Les horlogers indépendants développent des calibres de plus en plus complexes, tout en soignant leur construction esthétique, ce qui résulte à concevoir des mouvements complètement fous. Chaque composant est travaillé avec un soin extrême : les pièces sont polies, décorées, anglées à la main, parfois même en utilisant des techniques artisanales anciennes et remises au goût du jour. Le niveau de finition atteint un degré rare d’exigence. Chaque montre devient l’application d’un savoir-faire précis, fidèle aux valeurs qui passionnent les amateurs.
REXHEP REXHEPI Chronomètre Contemporain II - @Akrivia Atelier de Chronométrie AdC17 - @ Atelier de Chronométrie
Dans cet article, je vous propose de plonger au cœur de quatres pièces d'horlogerie indépendante que j’admire profondément. Ce sera l'occasion de mettre en valeur les créateurs qui continuerons, ou commencerons à marquer l'horlogerie d'aujourd'hui et de demain.
Berneron Mirage
Pour son premier modèle, la maison Berneron dévoile la Mirage, un bijou horloger reprenant certains codes des montres vintages. Fondée par Marie-Alix et Sylvain Berneron, la marque suscite un fort engouement auprès des passionnés. La Mirage a d’ailleurs rencontré un succès immédiat dès son lancement.

Elle se distingue par son cadran asymétrique et un boîtier rappelant parfois les lignes de la célèbre Cartier Crash. Initialement proposée en 38 mm avec deux versions en or blanc et or jaune, elle est désormais disponible en 34 mm, avec des cadrans en pierre ( lapis-lazuli et oeil de tigre) qui apportent une touche d’originalité supplémentaire. Des variantes qui sont à mon goût à couper le souffle.

Au dos, on retrouve le calibre 233 extra-plat, remarquable par sa finesse, ses finitions, et la mise en valeur de son échappement, isolé pour être pleinement visible. Il offre une réserve de marche de 72 heures. Le succès est tel que les commandes sont déjà complètes jusqu’en 2027.

La production reste très limitée, ce qui accentue la rareté de cette pièce. La Mirage est proposée au prix de 65 000 francs suisses. Deux nouvelles collections sont prévues dans les mois à venir.
Simon Brette chronomètre artisans
Simon Brette, ingénieur horloger français, s’est imposé dans le paysage de l’horlogerie indépendante avec une entrée remarquée. Il y a deux ans, il dévoile son premier modèle : la Chronomètre Artisan, récompensée la même année au Grand Prix d’Horlogerie de Genève dans la catégorie Révélation Horlogère.
Sketchs de du boîtier du chronomètre artisan - @Matthieu Allègre
La montre témoigne d’un véritable savoir-faire, avec un niveau de finitions particulièrement élevé. Les composants sont polis, grainés ou bleuis, le mouvement est à double barillets, ce qui accroît la réserve de marche pour ce mouvement à remontage manuel. Le cadran est en or rouge gravé à la main, ou serti de pierres pour les versions joaillières.
Simon Brette Chronomètre Artisan - @Simon Brette Kit Press
Le boîtier de 39 mm est décliné en plusieurs matériaux, dont l’acier et le titane, un choix qui permet de rester cohérent sur le plan tarifaire. Pour autant, la pièce s’inscrit pleinement dans l’univers de la haute horlogerie, avec un prix fixé à 85 000 CHF, mais ce qui peut toute fois se comprendre, au vu de l'ensemble des finitions et des décorations présentes sur la pièce.

La Chronomètre Artisan a su compter sur un collectif d’excellence, avec la contribution d’artisans reconnus comme Luc Monnet (Meilleur Ouvrier de France) et horloger prototypiste, Barbara Coyon qui a réalisé les décorations ou encore Matthieu Allègre, designer horloger de renom.
Petermann Bedat ref. 2941
Fondée par Gaël Petermann et Florian Bédat, la maison Petermann Bédat est installée à Renens, près de Lausanne. Tous deux formés entre la Suisse et l’Allemagne, les deux horlogers mêlent rigueur technique et finesse esthétique pour créer de somptueux
garde-temps.
Leur collection se compose aujourd’hui de deux modèles : la 1967, une montre trois aiguilles (heures, minutes, secondes), et un chronographe : la 2941. Les cadrans en saphir sont développés par le cadranier Comblémine (travaillant avec les plus grands horlogers et maisons horlogères) , et les boîtiers sont en platine ou en or, avec des diamètres respectifs de :
38,6mm pour le chrono
39mm pour la montre trois aiguilles.
Ref. 1967 et 2941 par Petermann Bédat
Côté mécanique, la 2941 embarque un calibre chronographe à rattrapante enclenché par la couronne, qui a une fonction de monopoussoir. Une complication relativement rare dans le paysage horloger actuel. C'est à mon goût l'un des plus beaux mouvement de chronographe d'indépendants. Ce dernier se distingue par la qualité de ses finitions : alternance de surfaces polies et de côtes de Genève.
Calibre Manufacture 202 par Petermann Bédat - @PetermannBédat
Ludovic Ballouard Upside Down
Ludovic Ballouard est un créateur indépendant que j’ai toujours particulièrement admiré, tant pour ses créations atypiques que pour la détermination qu’il incarne, notamment à travers le documentaire horloger Making Time.
Sa marque éponyme repose avant tout sur la collection Upside Down, une montre à mono-aiguille qui affiche l’heure grâce à un disque rotatif basculant à l’endroit au bon moment avec une vision : afficher uniquement l'heure qu'il est afin de profiter et vivre pleinement l'instant présent.
Le mouvement est mécanique à remontage manuel, basé sur un calibre Peseux 7001, modifié pour permettre la rotation des disques horaires. Côté cadran, Ludovic Ballouard n’hésite pas à innover avec des matériaux rares : osmium, l’un des plus denses et précieux au monde, mais aussi titane ou encore météorite selon les versions.
Ludovic Ballouard Upside Down - @Ludovic Ballouard Photo Calibre 7001 - @Chronomania
Proposée en boutique au prix de 87 000 CHF pour les versions plus classiques, la Upside Down reflète une vision presque philosophique de la lecture du temps.
Nous continuerons à écrire sur l’horlogerie indépendante, car cette forme de création nous passionne tout particulièrement. D’autres horlogers méritent toute notre attention, et seront bientôt à l’honneur : les frères Grönefeld, la maison française Sartory Billard, la nouvelle marque Hazemann & Monnin, ou encore des formats plus développés consacrés aux équipes de MB&F, ainsi qu’aux manufactures comme Laurent Ferrier, Romain Gauthier ou Akrivia.
Parler de ces créateurs a du sens, surtout lorsque cela se fait avec passion. C’est elle qui me pousse à écrire, et vous à me lire.
À suivre...
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